Itual Edouard Germain était militant de la langue et de la culture, poète du peuple ilnu à Mashteuiatsh au bord du lac saint Jean au Québec.
Itual est venu à Saint-Rivoal avec un groupe de québéquois de Chicoutimi, à Brest, à Douarnenez, puis une tournée en France s’en est suivie, ainsi qu’au Québec.
Ce matin, nous avons su que "notre" Itual était décédé en novembre 2020 des suites d’un accident. Alors qu’il marchait, un camion l’a percuté. Itual est mort en marchant... c’est bien lui.
Il y a quelques temps, nous vous annoncions avec joie qu’un éditeur allait le publier. Avec sa famille, nous poursuivrons ce projet.
Pour notre colloque, Gestes sans bord, nous lui rendrons hommage, nous rendrons hommage à notre ami rencontré en 2012 et avec lequel nous avons vécu de merveilleuses aventures, et au poète qu’il est.
Il avait écrit : ![]()
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Ce jour de septembre 2012, quand j’ai vu ta silhouette si particulière entrer pendant notre première performance de Liaisons Sonores diffusée par Chuk FM 107.3 au pavillon des arts Uashassihtsh chez toi à Mashteuiastsh, j’ai pensé de suite : celui-là, il faudra que je le chope une fois que nous aurons fini.
Nous discutons alors très vite et simplement, il me dit avec son accent très puissant qu’il est poète, que ce sont les sons du Bois qui l’inspirent quand il se promène solitaire et qui lui donnent les mots. Qu’il les transcrit souvent en deux langues, québecquois et nehlueun et qu’il est arrivé jusqu’à nous en écoutant dans sa voiture sur Chuk Radio ce que nous faisions.
Ce fut la première rencontre et ce ne fut pas la dernière… Le cheminement fut long, intense, passant par des moments magnifiques et très difficiles parfois durant ces années.
Je me rappellerai et réecouterai souvent ce moment magique, peut être chamanique. Nous partîment du Parc Sacré de Sonia Robertson avec Guillaume pour tenter d’enregistrer erratiquement au début du printemps 2014 la glace du lac qui craquait. Le dernier enregistrement fut étrange, le micro se trouvait dans une poche d’air sous la glace, soudain retentit le glas de l’église de Mashteuiatsh. Là sous la glace, le glas… Nous retournâmes au Parc sacré, Edouard était là, il avait décidé de ne pas partir et rester avec nous. Nous réécoutons ce que nous avions enregistré, Edouard réagit et dit c’était l’enterrement d’un ami (Charles, je crois), j’ai oublié d’y aller. Un peu agité, il s’en va et nous dit, Je reviendrai demain, Je dois écrire quelque chose pour Charles.
Le lendemain, nous enregistrons son poème -Je passe la Rivière sous la glace- qu’il voudra lire sur la « musique » dit-il de la glace et du glas. Andrée Anne le filma.
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Itual Katekiashka
Que sait on ? que sait on vraiment de ces rencontres immédiates, fondamentales
les langues, les choses qui viennent de si loin opprimés, détruits, reconstruits comme nous pouvons, nous sommes analyses, sciences, concepts ne peuvent rien, ne nous donnent pas de lumière.
Les langues en danger, sans doute déjà quasi disparues, qui savaient tant, qui disaient tant de notre monde
non dominantes, pauvres d’une richesse infinie
disparues comme les espèces, animaux, airs, musiques, sons fossiles
Qui sait s’il est encore temps
terres mères
en voie de disparition,
Ils étudient comment « bien » nous disparaissons
surtout ne fais rien
tu sais
Qui est Sakap8n, qui est le loup, qui fait le mort ?
Mashk, ours son chant, et chant de loutre, la rivière sous la glace
passeur-passeur
ce qu’on entend une lente musique qui avance vers l’intérieur voilant à peine coin de mon âme
mâche, mastique ta langue tourne et retourne dans ta bouche
et résiste, Rôti à la corde
Sakhap8n nil
poète
la poésie ne sert à rien écrivait Elicura le poète Mapuche
marche, suis les traces, le bois
là où tout parle, tout te parle
Mashteuiatsh
Restaurons ensemble ce qui a été brisé
où nous étions des enfants
perdus dans l’univers…
hommage par la poésie, le sonore et la musique à Itual
au portail de l’aurore
j’entends le chant de la grive musicienne
Alain Mahe
Plouganoù le 5 mars 2021