S’en sortir

, par  Sandrine , popularité : 4%
S’EN SORTIR est le récit d’une histoire vraie et qui relate le vécu d’une femme victime de violences conjugales, ainsi que son chemin pour s’en échapper.
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S’en sortir

S’EN SORTIR
1er round :
Une rencontre, une attirance incontrôlée,une relation bancale qui se construit, 10 années de vie commune, 7 années de lente descente vers un monde souterrain, gris, glauque, puant. Elle s’accroche à cette relation dans l’espoir vain de guérir l’autre de 35 années de blessures à vif, purulentes, dégoulinantes de désespoir.
Erreur n° 1 : on ne guérit personne, au mieux on passe une pommade dont les effets s’estompent très vite.
Erreur n°2 : s’imaginer en super héros qui vole au secours de l’opprimé et qui, avec ses super pouvoirs va réchauffer et cicatriser le blessé.
Erreur n°3 : insister sur cette voie
Ça y est, le décor est posé. Elle est là, presque prête à tout pour le sauver, le tirer vers le haut. Lui n’a plus qu’à tirer les fils pour la mener où il veut. À présent il va pouvoir se laisser aller à cette nature qu’il doit si souvent dissimuler pour ne pas effrayer. Petit à petit il fait sauter ses propres barrières, l’agressivité, l’alcool, les pétards, la domination, le mensonge (« je ne mens pas j’oublie de dire »), les insultes, les gestes d’intimidation. La peur s’installe sournoisement au début, puis elle devient un élément essentiel dans la relation, elle tapisse les murs, se cache dans chaque recoin, et jaillit à la moindre contrariété précédée d’un moment de violence verbale « tu comprends rien, t’es qu’une merde, j’en ai rien à foutre de ta gueule, ... ». Une porte claquée, un coup de poing sur la table, un objet lancé violemment contre le mur, un rire de hyène…
Comment s’en sortir ? Cette question est retournée des dizaines de fois dans sa tête.
Erreur n°4 : penser que ça ne va pas durer, que ce n’est qu’un mauvais moment.
Mais les semaines passent et c’est de pire en pire. Un beau jour elle réalise qu’à présent elle est presque seule, le vide a été soigneusement fait autour d’elle. Où sont les amis ? Ils préfèrent ne pas voir cet homme, ne pas le fréquenter, dommage, ils auraient peut-être pu l’aider à sortir de ce cauchemar...peut-être. Parfois elle tente de parler avec certains, mais bien souvent on lui répond prudemment, on ne veut pas prendre parti (oh tu sais, les histoires de couple)...Il reste les enfants, elle se raccroche à eux, ce sont eux qui l’aide à ne pas sombrer, ils sont comme des phares dans la nuit, grâce à eux elle doit garder un ancrage dans le réel. Ils sont jeunes, ils voient une maman malheureuse et affolée.
Comment s’en sortir, comment s’en sortir…
Elle comprend trop tard que lui ne s’en sortira pas. C’est elle qui doit se dépêtrer de cette relation dans laquelle elle est engluée, pétrifiée. Elle est comme paralysée sur une toile d’araignée, et elle a peur dès qu’elle sent son prédateur approcher. Le moindre tressaillement de la toile la remplit d’angoisse.
Comment s’en sortir…
Elle doit subir ses assauts, attendre que ça passe. A présent il n’y a plus de réconciliation. Désolation, peur, soumission...elle doit se soumettre à ses tristes et pauvres désirs sexuels, sinon il devient méchant (« comment veux-tu que je sois bien si tu refuses de t’occuper de moi », comprendre : si tu me vides pas les couilles faudra pas t’étonner si je suis énervé…).
A présent elle a la tête vide ou plutôt emplie d’une boue épaisse et sombre. Les semaines, les mois se succèdent...Comment s’en sortir...cris, insultes, t’es vraiment trop conne. Quand elle est au bord du gouffre, il lui tend une main empoisonnée : Ne tombe pas, sans toi je ne suis rien ma p’tite femme...comprenez : si tu n’es plus là pour que je me défoule, pour que je t’enfonce et m’acharne sur toi, alors je ne suis rien, je n’existe pas…
Comment s’en sortir... A présent elle est presque un zombie, mais heureusement elle le cache bien ! Elle essaye de donner le change, même les plus proches s’y trompent parfois.
Fin du premier round : Il est champion/ elle est KO.

2ème round :
Comment faire ? Un jour elle commence à parler.
( au passage, sa meilleure amie l’a toujours soutenue-par téléphone- , mais elle est si loin cette amie). Elle commence à parler à une amie voisine, timidement, puis à une autre, timidement aussi et encaisse les réactions surprises. On a du mal à la croire. Cet homme qui paraît si sympathique et attachant aux yeux de tous, est-ce possible ?
Elle sent qu’elle doit parler. Alors elle contacte une asso, rendez-vous hebdomadaires qui vont l’amener à se rendre à l’évidence : ça ne va pas du tout cette relation, cet homme qui l’humilie, l’insulte et la coupe du monde. Après 2 ou 3 mois elle est redirigée vers une autre association.
Parallèlement, son passé de militante lui ouvre une porte inespérée. Dans un premier temps au milieu de cet ouragan qui balaye tout dans sa vie, elle décide de s’engager auprès des jeunes migrants qui fuient leurs pays. Au début il ne dit rien ( fais ce que tu veux) . Petit à petit il finira par se moquer de ses engagements (tu te prends pour Mère Thérésa, tu crois que tu vas sauver qui ?) . Malgré les railleries de plus en plus lourdes et fréquentes, elle tâche de se rendre auprès des jeunes quand il n’est pas là.
Puis un jour, juste après les mouvements contre la loi travail, elle croise une affiche invitant ceux qui n’en peuvent plus de la politique à se retrouver pour échanger et s’exprimer librement sur cette société à bout de souffle, et pourquoi pas à s’organiser et agir. Là elle rencontre un groupe de personnes, militants, et ensemble ils décident de se retrouver régulièrement pour proposer des actions, des projections de films, des lectures de livres, des cantines. Leur engagement est fort et ils sont si respectueux, motivés, ils ont envie de faire bouger les consciences, bouger les lignes...elle se raccroche à ce groupe, agit avec eux dans la mesure de ses possibilités. Eux ne savent pas à quel point ils sont importants pour elle, ils sont comme une fenêtre éclairée dans une nuit sombre et sans fin. Leurs engagements, leur détermination, le respect dont ils font preuve l’ont convaincue que des gens bons et beaux étaient là, tout proche.
Chez elle l’étau se resserre : les différents lieux de parole sont sans appel : NON ça ne peut pas continuer, ce qu’elle vit porte un nom : violences conjugales ! Ce mot a résonné dans sa tête comme une corne de brume : violences conjugales, violences conjugales… à elle ? Mais comment cela a t-il pu lui arriver à elle ? Elle qui était une femme si libre, créative, heureuse, engagée ? Elle, victime de violences conjugales ? C’est cette juriste qui le lui a dit : « ce que vous vivez porte un nom : violences conjugales, et vous ne pouvez pas continuer comme ça, il faut partir et vous faire aider. »
Peu importe la façon dont la vie commune s’est arrêtée (dans un chaos invraisemblable), mais elle s’est arrêtée.
Fin du 2ème round. KO pour elle/sortie de ring pour lui.

3ème round :
Et après ? Les semaines et les mois qui ont suivis ont été complètement chaotiques, elle continué à vivre dans la peur ( qu’il revienne, qu’il ne ramène pas les enfants, qu’il rentre dans la maison…). Mais au moins le quotidien s’en est trouvé allégé. Les amis sont à nouveau entrés dans la maison, comme avant leur rencontre lorsque sa maison était toujours emplie de vie, de projets, de musique et de rires. Ses amis la soutienne. Le collectif, par sa présence, sa régularité, sa générosité, la rassure et l’aide à avancer. Désormais elle parle, dès qu’elle le peut, elle se fait aider car l’autre est toujours tapi dans l’ombre, à l’insulter, la menacer, même de mort. Chaque jour apporte son flot d’insultes et de menaces par messages. On lui conseille de porter plainte. Trop difficile comme démarche. Puis elle se décide un jour à franchir le pas…. Elle se gare devant la gendarmerie elle a peur d’y aller, c’est difficile de rentrer dans une gendarmerie. Elle passe 10 minutes dans la voiture, ouvre la portière, la referme, l’ouvre à nouveau et la referme encore. 10 minutes se passent encore, elle prend une grande respiration et fait tout sans respirer : ouvrir la portière, sortir, refermer la portière, aller à pas rapides vers l’interphone. Là, elle relâche. On lui ouvre. Elle ne sait plus ce qu’elle doit dire, par quoi elle doit commencer. Elle a peur qu’on ne l’écoute pas, qu’on se moque d’elle. Elle parle en s’excusant presque, raconte dans le désordre,. Le gendarme la coupe : « Pffff, je sais pas ce qui se passe, vous êtes la troisième à venir pour ça aujourd’hui ». Puis il lui déclare : « vous savez, les engueulades dans les couples c’est normal »...Elle devient liquide, blêmit, son cardio s’accélère, elle voudrait n’être jamais venue. Il lui détaille l’inutilité d’une main courante. Elle dit qu’elle va réfléchir, ressort de la gendarmerie, et livide, entre dans sa voiture et pleure. La seconde fois, c’est grâce à un ami du collectif qui lui propose de l’accompagner dans un commissariat qu’elle franchit à nouveau ce pas. Cette fois-ci on l’écoute, on prend des notes, et on lui donne un récépissé de main courante. S’en suivront 3 autres mains courantes. L’accueil n’est jamais agréable : « vous n’avez pas de bleus, bon ben alors ça sert à rien », elle se sent jugée, elle a l’impression de les déranger pour des broutilles dont ils n’ont que faire. Aidée par le planning familial, (encore une amie du collectif), elle décide de déposer plainte. Il semble que dans le département une gendarme soit formée aux violences conjugales. Elles prennent contact et sont reçues par cette gendarme qui recueille toutes les preuves pour le dossier, pose des questions, prend des notes. Cette fois-ci, on l’écoute vraiment, on reconnaît cette souffrance et cette violation du droit. On lui réclame des certificats médicaux, psychologiques, un ou deux témoignages et le tout est envoyé au procureur de la république (en mai). En août elle apprend qu’il sera convoqué au tribunal début janvier 2020. Fin février elle apprend que le procureur requiert une amende (payable à l’état), et une autre amende pour elle, ainsi que l’ obligation d’effectuer un TIG. Elle n’espérait qu’un rappel à l’ordre, afin qu’il comprenne qu’elle a cessé d’ être son jouet, qu’elle n’est plus seule et qu’elle ne se laissera plus faire. Elle a eu un peu plus, c’est pas si mal, cela veut dire qu’on l’a prise au sérieux, qu’on a considéré sa demande, que cette fois-ci on ne lui a pas rit pas au nez, on a pas soupiré d’exaspération ! Non, tout cela elle l’a réellement vécu, ce n’était pas une invention ou une exagération, (ce qu’elle a souvent cru). Cet homme a vraiment voulu l’anéantir, en faire sa chose.
Fin du troisième round victoire pour elle, ko pour lui.

Aujourd’hui ?
Aujourd’hui tout n’est pas fini, mais elle a repris contact avec elle même, elle a soif de tout ce qu’elle a raté pendant ces 10 années, et 10 années c’est long ! Le spectre de cet homme rôdera toujours pas loin, la peur de lui ne la lâchera pas définitivement non plus mais désormais elle n’est plus seule et elle est heureuse, elle veut vivre et avancer, et aussi partager cette expérience qui peut interroger certains.es.ou servir à d’autres.
Ces expériences malheureuses ne sont pas vécues uniquement par des femmes, les hommes peuvent aussi être les victimes de femmes qui les ramène à l’état de chien qui n’a qu’à bien se tenir sinon c’est la punition, et l’humiliation. Mais dans la grande majorité ce sont tout de même les femmes les grandes victimes .

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Pour finir, quelques conseils, contacts et adresses sur le Finistère Nord, qui peuvent être utiles dans cette situation.
Si vous sentez que vous n’êtes pas loin d’être dans cette situation, surtout ne vous isolez pas, malgré le coronavirus. Non, gardez contact avec un.e. ou deux ami.e.s., parlez leur de ce que vous vivez. Si vous avez confiance dans votre médecin de famille, ouvrez vous à lui, il sera une oreille attentive et vous proposera des aides ponctuelles (arrêt de travail, aides pour se détendre, pour dormir (homéopathie ou pas), faites de la marche à pied ou de la course, ça aide à prendre de la distance. La piscine pour ceux.celles qui aiment l’eau permet aussi de décompresser même si la même merde vous attend en rentrant, c’est toujours un moment pris rien que pour soi, loin des tourments.
Si vous n’y êtes pas opposé.e. prenez rendez-vous avec un psychologue, dans l’urgence ça peut s’avérer très efficace.

*PARENTEL(surtout si vous avez des enfants car ce sont des situations qui se répercutent obligatoirement sur les enfants.) Écoute téléphonique, conseils avisés et possibilité d’avoir des rendez-vous en face à face.
*CIDFF, Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles : là ce sont des conseils juridiques, ce que l’on peut faire, ne pas faire, ils ont tous les contacts qui peuvent vous être utiles, et vous conseilleront pour vos démarches.
*Au sein de la gendarmerie de Lanmeur il existe une gendarme formée aux violences conjugales qui saura vous écouter et faire correctement son boulot si vous décidez de porter plainte.
*Au commissariat Colbert à Brest il y a une psychologue qui maîtrise parfaitement la loi et qui saura aussi vous conseiller et vous rassurer.
*Le PLANNING FAMILIAL de chaque grande ville peut apporter une aide précieuse, une écoute attentive et sans jugement ( et ça c’est très important ), et peut aussi vous accompagner dans vos démarches, ce qui peut énormément aider. *Le 3919 : ​ si c’est vraiment trop dur et que vous vous sentez trop seul.e et perdu.e, vous pouvez appeler ce numéro , les personnes au bout du fil feront leur maximum pour vous rassurer, vous aider à parler, vous orienter et ça peut être nécessaire, voire
salvateur...
Tout ceci demande beaucoup de courage, d’énergie et de temps, mais ça en vaut la chandelle car la vie n’est pas éternelle et nous non plus. Et quelle joie de retrouver petit à petit des parcelles de soi, de retrouver le sourire, l’envie de faire la fête et de faire l’amour, l’urgence de profiter et d’être dans la vie, dans la rue, dans le monde …
Pour finir, je souhaite juste que vous viviez de belles histoires d’amour et de vie, dans le respect mutuel et le plaisir de poser un pied par terre le matin avec la certitude que ce sera une belle journée bien remplie !

PARENTEL Finistère : 02 98 43 21 21
CIDFF : 02 98 44 97 47

Ibrahim Maaloufhttps://youtu.be/wpg8jBFaj3c
Ewan Dobson ; https://youtu.be/eXqPYte8tvc